Jeudi Art du 5 mai 2011

Extrait de la pièce « Cassette » de David Wampach, interprété par Aina Alegre et Pep Garrigues.

Casse-noisette est sans doute l’un des ballets les plus fameux de la danse classique, tant par la musique de Tchaïkovski et ses célèbres thèmes, comme la Valse des fleurs, que par l’univers onirique, l’impression de merveilleux qu’il dégage. Tous les ingrédients du conte de fée s’y trouvent réunis : une petite fille, un monde ensorcelé, des jouets animés, un prince charmant, un palais enchanté… Opérant une compression du titre et de la matière originale, David Wampach a transformé le Casse-noisette en CASSETTE, qu’il glisse comme une version alternative dans la machine du théâtre, réglée sur le mode pop. Déployant l’apparat du ballet-féérie pour en démonter l’armature, interroger son rapport à l’illusion, il opère une condensation sous forme de show déjanté. Jeu des lumières, virtuosité des corps, profusion des genres et des couleurs : un ensemble de signes culturels et de ritournelles se trouvent remixés dans ce carnaval aux accents iconoclastes.

Cassette

Tout commence dans une ambiance de sortilège : un rideau de lumière et de fumée qui révèle et absorbe un mystérieux duo, tandis qu’une récitante survoltée réécrit l’histoire de Casse-noisette en y mêlant bribes de chansons et références contemporaines. Sur scène vont se succéder des couples aux poses aguicheuses, dans un climat oscillant entre le concours de danse, le numéro de cirque et le plateau de télévision. En écho à la profusion de styles du ballet d’origine, les interprètes passent de la valse au mambo, de la samba au cha-cha-cha, de la Danse des mirlitons à la disco, entraînés par un intriguant Monsieur Loyal. Tout est affaire de dévoilement et de semblants : stars ou pantins, personnages fantastiques ou silhouettes grimaçantes, ils apparaissent, disparaissent, décentrent le regard en multitudes de figures virevoltantes, se fondent en tableaux collectifs, envahissant tout l’espace de leur chorégraphie protéiforme. Dévoilant la dimension sexuelle refoulée du conte, transformant la « boîte » du théâtre en boîte de nuit et Tchaïkovski en tube sensuel, CASSETTE déplie toutes les facettes de la machinerie spectaculaire. Une version grinçante, un manège hanté aussi bien qu’enchanté, qui interroge la place que peut prendre la magie sur la scène contemporaine.